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Jean-Pierre Danel 25 Ans de Carrière
26 juin 2007

Jean-Pierre Danel célèbre ses 25 ans de carrière

Jean-Pierre Danel

fête ses 25 ans…de musique

Guitar blog a rencontré l’homme du phénomène « Guitar Connection ».

Petit point sur un quart de siècle de parcours musical.

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Jean-Pierre Danel est un garçon original et un artiste complet.

Un Guitar Hero made in France qui a su obtenir une reconnaissance internationale, qui n’hésite pas à partager ses plans en dvd avec les jeunes guitaristes, et qui écrit aussi sur Sacha Guitry, reçoit des awards aux USA comme interprète et compositeur, joue sur un album aux côtés de Clapton et Santana, tout en produisant des disques, des one-man shows et même des films !

De Laurent Voulzy à Hank Marvin, ses pairs français et internationaux saluent le talent de ce garçon éclectique qui, 25 ans après ses débuts, se voit remettre – entre autres - le Grand Prix Français de la Guitare.

-         On dirait bien qu’on a déplacé Noël en juin pour toi : un double disque de platine pour le dvd de Guitar Connection 2, le Grand Prix Français de la Guitare 2007, un disque multi-diamant pour 25 ans de carrière… Et même le Grand Prix du Jouet pour un jeu musical ! Plutôt pas mal, non ?

-         C’est drôle parce qu’en plus, c’est mon anniversaire ! Pour Guitar Connection 2, ça me fait plaisir, même si les ventes record du volume 1 ne sont pas encore égalées. Pour le prix de la guitare, c’est assez émouvant d’être apprécié par ses pairs, et ça me touche. Le Grand Prix du Jouet, c’est un prix inattendu pour le jeu de société Addict, dont j’ai conçu la partie musicale. Quant au prix pour les « 25 Ans », c’est une surprise totale. Je ne m’y attendais absolument pas, d’autant que je ne vois pas du tout ces années et ces activités, qui sont plutôt tous azimuts, comme une carrière… Et je n’ai pas vu le temps passer non plus !

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-         Les chiffres sont impressionnants : 19,7 millions de disques vendus, 134 disques d’or, platine et diamant, 156 disques classés au top 50, 2 awards aux USA, le Grand Prix de la Guitare en France…Du lourd ! Tu dois être fier de ce parcours, non ?

-         Fier, ça n’est pas vraiment ça, sauf peut-être pour quelques bricoles. Non, je serais plutôt…satisfait, par certaines choses en tous cas. Pas spécialement pour les récompenses, mais déjà, pour le fait de pouvoir vivre de ma passion, de créer et mettre sur pieds des projets, et d’être arrivé à exercer ce métier. Pour les disques d’or, ce que je retiens, c’est qu’ils montrent que ces projets ont su trouver un public. C’est difficile à faire, alors c’est une satisfaction bien sûr. Idem pour le top. C’est notre box office, et ça montre si on a réussi ou non à faire passer le message auprès du public concerné par le disque en question. Ca permet aussi de trouver parfois une satisfaction dans des productions qui sont artistiquement moins motivantes… J’ai toujours alterné des projets ambitieux et des choses plus commerciales, qui permettent de financer ce qui est plus risqué. Mais commercial ne veut pas toujours dire pour autant facile à faire, ou même facile à vendre.

-         A 39 ans, tu as désormais une très longue expérience de musicien et de producteur. Comment es tu passé de l’un à l’autre ?

-         Je joue de la guitare depuis 1979, mais mes débuts vraiment pros remontent à 1982. J’ai joué sur scène et en studio pour d’autres artistes en même temps que pour mes propres projets, puis j’ai commencé à faire plus que des guitares, en réalisant des arrangements complets, et du coup je suis passé à mes propres productions assez vite, dans la deuxième moitié des années 80. Puis la boîte a été montée en 89. J’aime beaucoup la production. Ca permet de réaliser certains rêves sans se mettre fatalement en avant, ce qui peut-être plus confortable parfois. Et ça donne surtout la possibilité de cumuler davantage de projets et de varier énormément les styles musicaux que l’on aborde, ou même d’aller vers des productions non musicales. C’est un luxe et j’aime cet aspect de la profession. Mais je reste artiste de temps en temps encore…

-         Ton meilleur souvenir de producteur ?

-         Je ne sais pas… Je dois penser à ce qui est récent, parce que ce qui est loin, je ne sais plus trop ! Mais j’ai beaucoup de bons souvenirs, heureusement ! Artistiquement, dans les disques connus, Buddha Bar peut-être… Parce que c’est un projet respecté et assez libre dans la manière de travailler. J’ai aussi réenregistré un tas de musiques de films dans les années 90. C’est un travail plutôt commercial mais très intéressant. Et puis il y a des disques banals mais avec de belles rencontres humaines. Hors de la musique, Elie Kakou, c’était drôle aussi. Là, je produis un humoriste, Patrick Veisselier, et ça me plait bien. Sinon, le dvd Car Academy a rétrospectivement été une expérience complexe mais sympa, partagée avec ma compagne… J’ai du mal à remonter trop loin là…Je ne sais plus ! Plein de disques aussi qui ne vous diraient sans doute rien mais que j’ai eu plaisir à faire…

-         Et tes propres disques, en tant qu’artiste ?

-         Stratospheric a été un bon moment, un album sans trop de contraintes, fait à la maison, et avec des conséquences flatteuses à l’époque. Les awards reçus aux Etats-Unis pour ce disque ont certainement rendu possible, à la longue, le concept de Guitar Connection. Ces disques là aussi sont un bon souvenir. On a eu de grands moments avec Fred et Eric Prados et avec Rami, du studio, et avec Steve, le chef d‘orchestre, les musiciens, le duo avec Laurent Voulzy, etc. Jouer avec l’orchestre classique, c’est formidable… Le voyage en Australie avec Fred Prados pour le duo avec Marvin est un très bon souvenir pour nous tous. On s’entend très bien avec Fred, et il est un excellent musicien en dehors d’être ingénieur du son, alors il a pleinement su profiter de ces moments d’exception quand on rencontre un tel artiste, avec le dépaysement en prime ! Ca a été un beau moment partagé. Et puis sinon, le succès de ces albums est évidemment agréable. La remise du disque d’or chez Sony était assez drôle aussi, parce que tellement peu de gens là-bas y croyaient au départ, que les voir réunis pour nous féliciter ce jour-là paraissait quelque peu surréaliste ! Dans un autre ordre d’idée, l’un de mes plus grands plaisirs, c’est la biographie de Sacha Guitry que j’ai écrite et qui est sortie ces jours-ci. Un vrai bonheur ! Mais rien à voir avec la musique…

-         Sur l’album « Les Plus Grands Guitaristes du Monde », où tu figures parmi Eric Clapton, BB King, Santana, Al di Meola, et Stanley Jordan, tu interprètes un de tes titres, « One More Blues », qu’on a retrouvé plus tard sur « Guitar Connection », et tu as aussi reçu cet award comme compositeur aux Etats-Unis. Pourquoi ne pas enregistrer un album totalement fait de compositions originales ?

-         Parce que les maisons de disques ne veulent pas ! Ils pensent toujours que l’instrumental se vend mal – alors que les chiffres prouvent le contraire. La présence de tubes les rassure. Ca peut être intéressant à faire, mais le côté systématique est un frein au niveau créatif, contre lequel je ne peux pas grand-chose hélas… Je mets, selon les disques, entre 3 et 10 titres que je compose, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais sans les tubes, je crois que je ne pourrais faire ces albums que sur le net. J’y pense sérieusement d’ailleurs.

-         L’Encyclopédie Américaine de la Guitare a publié un article en listant les 15 meilleurs guitaristes au monde, et tu figures dans ce palmarès, seul français avec Django Reinhardt. Pourtant, tu as déclaré que cela te mettait mal à l’aise…

-         Oui, parce que ça n’a pas beaucoup de sens. On m’en parle de temps en temps, et ça me fait plaisir bien entendu, mais c’est aussi un peu gênant. D’abord, parce que les musiciens, quels qu’ils soient, ne sont pas des golfeurs, qui marquent ou non des points, et que l’on peut classer de cette façon. Ensuite, il manque évidemment bon nombre de très grands musiciens dans cette sélection, bien plus célèbres et historiques que je ne le suis, et c’est ça qui me pose problème. C’est un peu ridicule. J’ai lu je ne sais plus où que Mark Knopfler a déclaré la même chose au sujet de cette liste. Sauf que lui, je comprends davantage qu’il y figure ! Je crois, comme je l’ai dit déjà, que ma présence tient beaucoup au fait qu’à l’époque de ce classement, je venais d’avoir ces awards américains, et aussi de figurer dans cet album réunissant beaucoup de grands guitaristes. Ils ont dû essayer de mélanger les classiques et l’actualité du moment. Du coup, je m’y retrouve.... Cette liste est très flatteuse bien sûr, et elle a été reprise à droite à gauche au fil des années, mais franchement, il n’y a de toutes façons aucun critère objectif pour établir ce type de classement. Le meilleur est-il le plus technique, le plus émouvant, le plus créatif, le plus innovant, le plus marquant ? Pour moi, les meilleurs, sont ceux qui arrivent à se créer un style de jeu et de son que l’on peut identifier et qui influence ensuite la musique en général. C’est ça le plus difficile je pense. Hendrix, Clapton, Marvin, Knopfler, Van Halen, Reinhardt, sont de ceux-là. Je veux bien reconnaître que je peux avoir des traits de jeu parfois caractéristiques, mais de son, je ne crois pas spécialement. C’est un mélange de plein de choses, d’influences diverses, et de Marvin en particulier. Un peu de Knopfler aussi. Et l’influence que ça a est assez limitée, à ceux qui apprennent sur Guitar Connection notamment, ce qui est bien mais sans comparaison avec les noms cités plus hauts, qui sont mondiaux de surcroît. Quant à évaluer l’aspect purement technique des guitaristes, pour le coup ça ressemble au sport, parce que dans ce domaine, on évolue et on repousse les barrières tout le temps. Les modes jouent aussi. Bref, le bon guitariste est surtout celui qui apporte du plaisir je crois. Personnellement, je trouve difficile de hiérarchiser ce type de sentiment. Mais bon, les cases, les classements, ça clarifie les idées dans la tête des gens. Je n’ai rien contre, il faut juste replacer les choses dans leur contexte.

-         Les duos sur Guitar Connection 2, c’était comment ?

-         Formidable ! Ca s’est passé sans aucun problème, bien au contraire, ce n’était que du plaisir. Je connais Laurent [Voulzy] depuis mon enfance, et il a participé à certaines de mes productions depuis les années 80. C’est toujours un régal, parce qu’il est très pro, très talentueux, mais très facile en même temps. My Song of you est une superbe mélodie, et ça se prêtait bien à une version instrumentale je trouve. C’est un titre tout en sensibilité. Il est très fan des Shadows, et je l‘ai joué de cette façon là, alors il était ravi ! Avec Hank [Marvin], ça a été formidable aussi. Je le connais depuis 1980, mais je ne l’avais pas revu depuis qu’il vit en Australie. Comme je le disais, on a donc fait un aller-retour là-bas avec Fred Prados pour quelques jours seulement, car on était en plein enregistrement du reste de l’album. On a été magnifiquement reçus, et Hank et sa femme ont été délicieux. On est restés un soir chez lui à faire le boeuf jusqu’au milieu de la nuit. Il y a un bout de ça dans le dvd, en plus du duo lui-même. Ces moments-là, l’interview et le séjour en lui-même restent un grand souvenir pour moi. Hank est véritablement l’un des plus grands guitaristes du siècle, l’un de ceux qui ont posé les fondements de la musique pop/rock. Enregistrer avec lui, c’est un plaisir et un honneur. Nous avons une relation amicale et très chaleureuse. Il est passé à Paris il y a quelques jours, on a dîné ensemble, et c’est toujours une joie. En plus, il a aimé l’album, et ce qu’il m’a écrit à ce sujet m’a beaucoup touché. Il a été impressionné par certains solos, et il m’a dit que ma façon de jouer dans son style allait le mettre au chômage ! Pour My Song of You, il m’a très gentiment dit qu’outre le son qui ressemble au sien, j’y avais mis beaucoup de moi et qu’il serait fier s’il avait joué un titre de cette façon… Inutile de dire que j’étais heureux d’entendre ça ! J’ai presque honte de le répéter, mais c’est tellement génial comme moment que je ne résiste pas !! Enfin, le duo avec mon père, c’était facile et sympa en même temps. Depuis toujours, on a beaucoup joué ensemble sur scène ou en privé, j’ai joué pour lui sur ses disques, mais on n’avait jamais enregistré de cette façon là. C’était bien. Il a été guitariste rythmique dans un groupe de rock, Les Panthères, dans les années 60, et ça lui a rappelé quelques souvenirs ! Il adore les Shadows aussi, et Laurent et lui étaient ravis d’être sur le même album que leur soliste légendaire !

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-         Enregistrer avec Hank Marvin, c’est vrai que c’est carrément mythique !

-         Oui !! C’est une espèce de Dieu musical vivant ! Dans le dictionnaire britannique, il est dit que les Shadows sont, je cite, « les principaux précurseurs d’un phénomène musical universel ». Quand on voit les artistes qui les citent comme leur influence première, qui leur a donné l’envie de faire de la musique (Pink Floyd, Deep Purple, Dire Straits, Police, Queen, Scorpions, les Bee Gees, Mike Oldfield, Elton John, Frank Zappa, Gary Moore, Jeff Beck, Led Zeppelin, les Who, etc.), ou ceux qui leur rendent hommage en expliquant que Hank est le guitariste qui a marqué leur génération (Eric Clapton, Jimi Hendrix ou les Beatles), il est clair que jouer avec lui, c’est un truc énorme ! Voulzy me disait : « Tu réalises ce que ça représente ?! C‘est historique !! ». Laurent était comme un fou ! Heureux pour moi. Hank a enregistré quelques duos dans sa carrière : Paul McCartney, Mark Knopfler et Brian May, de Queen, j’ai donc été très flatté qu’il enregistre avec moi. C’est un immense musicien, plein de finesse, qui a créé un son qui symbolise les 60’s dans le monde entier à lui tout seul. Il a aussi composé des tubes qui sont des hymnes de la pop outre manche. Son nouvel album cartonne encore en Angleterre en ce moment même, où il est confortablement installé dans le Top 10, devant celui de McCartney… Au bout de 49 ans de carrière, c’est pas mal !! Hank est l’artiste qui a passé le plus de temps dans les charts anglais, à la seule exception d’Elvis Presley ! Les Shadows dans les charts anglais, c’est 5 fois U2, et le double des Beatles ou de Madonna… Le groupe le plus titré de tous les temps, loin devant les Stones ou qui que ce soit d’autre. On ne réalise pas ça ici du tout, mais c’est vraiment le groupe par qui toute la musique pop a commencé.

En le présentant à ma compagne, j’avais l’impression de lui faire rencontrer un personnage historique ! Ce qui est le cas d’ailleurs ! Il est très populaire là-bas, et considéré comme une icône, à la façon de Johnny ici. Hank est même l’un des très rares à s’être payé le luxe d’avoir refusé la décoration que voulait lui remettre la Reine d’Angleterre, il y a 3 ans, quand elle a décoré les Shadows. Lennon avait renvoyé sa décoration, lui l’a refusée… Ca a fait grand bruit outre-manche !

-         Parmi tous les grands musiciens avec qui tu as joué, quels sont ceux qui t’ont marqué le plus et avec lesquels tu as aimé travailler ?

-         Déjà, il n’y a eu aucun guitariste, parce que j’en suis chargé dans mes albums comme dans mes productions, et je le regrette finalement, parce que j’aurais gagné à partager des choses avec d’autres. J’en côtoie pour Guitar Battle (sorte de Star Ac de la guitare, actuellement sur le net, NDLR), où d’excellents guitaristes sont membres du jury et c’est très agréable et enrichissant. Sinon, j’ai toujours aimé Bernard Paganotti qui, outre le fait d’être le grand bassiste que nous connaissons auprès de Francis Cabrel notamment, est un homme absolument délicieux. Jean Weller qui joue le solo de basse de « Nivram » sur Guitar Connection 2, est impressionnant, comme Jannick Top aussi. Côté batteurs, Claude Salmieri a ma préférence. Mais la liste serait longue, car j’ai eu la chance d’enregistrer avec les meilleurs, et ils sont tous épatants. Les sections de cuivres, c’est très chouette à enregistrer aussi… Après, ce sont des questions d’entente humaine. Et puis, il y a aussi les techniciens ou les différents intervenants, comme les gens du mastering ou autre. Il y a de belles rencontres là aussi. Et même des projets que tu fais parce que tu sais qu’avec untel ou untel, le résultat pourra atteindre un certain niveau. Je travaille sur des problèmes techniques liés à un enregistrement ces temps-ci que, sans Fred Prados, j’aurais probablement du abandonner… Ca change tout d’avoir des gens comme ça avec soi. Il n’y a pas que le jeu de guitare à gérer !

-         Tu fais toujours toutes les guitares sur les disques que tu produis ?

-         Je crois que oui…Attends, laisse moi réfléchir... Oui, je crois qu’à part les duos de Guitar Connection 2, j’ai toujours tout joué moi-même… Clapton n’était pas libre !

-         Où trouves-tu le temps de produire autant de disques et de dvd que ceux qu l’on voit listés sur ton site ? Plus de 1700, comment est-ce possible !?

-         Je dors peu ! Et puis j’aime bien ça, produire des disques ! J’ai aussi une société à faire tourner, ce qui est devenu compliqué dans le marché actuel. Il faut donc toujours être sur la brèche. Mais c’est surtout que j’ai toujours eu tendance à mener de nombreux projets en même temps, je suis comme ça.

-         Tes goûts semblent éclectiques !

-         Oui, très ! Et justement, ça, ce serait impossible en tant qu’artiste. On vous met vite dans une petite case. En tant que producteur, je peux faire du rock, du classique, de la dance, de la variété, des disques pour enfant… Ca ne gêne personne, tant que la profession peut se permettre de miser sur des projets de types aussi variés. Ce qui est d’ailleurs devenu presque insensé désormais. La profession du disque s’effondre totalement, et on ne peut plus envisager grand-chose…

-         Ce métier était-il plus facile dans les années 80, quand tu as débuté ?

-         Rien n’a jamais été facile. La crise du disque n’était pas celle d’aujourd’hui, c’est certain, mais il y avait d’autres problèmes : l’absence de quota à la radio pour les chansons françaises, les difficiles droits des intermittents du spectacle (ça n’a pas changé d’ailleurs !), la frilosité des maisons de disques, qui était déjà de mise… Maintenant, les téléchargements illégaux et de nouvelles habitudes de consommation font que le public considère que la musique doit essentiellement être gratuite… Mais les artistes vivent d’un pourcentage sur ce que leurs créations rapportent, alors, comment en vivre dans la gratuité, et aussi, comment financer de nouvelles créations ? Bref, chaque époque a ses soucis. Mais je n’aimerais pas trop avoir 20 ans aujourd’hui cela dit…. Je suis bien content d’avoir pu poser des bases avant.

-         Pourquoi cette idée de faire des albums de guitare instrumentale ?

-         Je dois ça aux Shadows. J’ai appris en écoutant leurs disques. Faire le même genre de chose me paraissait naturel, car j’étais très imprégné de ça. Mais, en France, on m’avait toujours dit : « Fais tout ce que tu veux, mais certainement pas de guitare instrumentale. S’il y a une chose qui ne pourra jamais fonctionner, c’est bien ça ! ». Alors j’ai fait des titres chantés aussi, dont peu sont sortis. J’aime bien ça aussi d’ailleurs. Puis j’ai enchaîné avec la prod. Et puis, mes disques instrumentaux ont marché à l’étranger, alors j’en ai fait régulièrement, jusqu’à ce que Sony tente le coup en France… au bout de 24 ans !

-         Pas de scène à l’horizon ?

-         Non, je ne crois pas que les conditions soient réunies. Sans vouloir paraître difficile, je ne veux faire de la scène que dans des conditions optimums, et la situation du disque en ce moment ne permet pas de financer une organisation de concert de cette façon. Je veux offrir ce que je peux donner de mieux, ou rien de tout. Je ne veux pas être en dessous de ce que je peux faire, ou de ce que j’ai envie de faire. Alors je m’abstiens. Mais je le regrette.

-         Parlons matériel… Comme on l’a vu récemment dans l’article de Guitar Blog sur ta Strat ’54, tu sembles accro aux Stratocasters, et notamment vintage...

-         Oui, les Strats sont le must pour moi. Je me sens à la maison avec cette guitare. J’ai cette chance de posséder de beaux instruments, qui ont une âme et un son que les guitares d’aujourd’hui semblent souvent avoir perdus. Ca n’est pas obsessionnel, juste le fruit de l’observation, basée sur des comparaisons dans le temps, et qui me conforte dans cette idée.

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-         Tes Strats des 50’s sont célèbres et font fantasmer bien des guitaristes !

-         Je fantasme dessus aussi ! Miss Daisy et La Marquise sont deux guitares absolument exceptionnelles, c’est vrai, et c’est un plaisir quotidien. J’ai un modèle de 1955 aussi dont on parle moins, mais qui est fabuleux également. J’ai beaucoup de chance, car ces guitares me font progresser, parce que j’ai envie d’en tirer le meilleur, et le plus authentique. Je suis très branché sur la ’54, Miss Daisy, ces temps-ci, peut-être parce que je viens de l’avoir. Mais je crois qu’il sera difficile de me faire aller voir ailleurs maintenant de toutes façons. C’est trop énorme ! C’est vraiment un instrument hors normes. J’aime aussi le modèle Clapton cela dit, qui est beaucoup plus récent. Mais évidemment, Miss Daisy a le charme de la patine du temps, et c’est irremplaçable… Quand Hank est passé à la maison avec sa femme l’autre soir, il a joué dessus, et il a été très emballé. Il n’avait jamais joué sur une Strat si ancienne (il a un modèle de 1958) et il a adoré le manche, le son et le feeling de la guitare… Il souriait comme un gamin ! Cette guitare a le même effet sur nous tous !

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-         Tu as une collection réputée…

-         Assez injustement d’ailleurs, oui, parce que je n’ai, quantitativement, pas grand-chose en fait, au sens où j’ai peu de modèles vraiment dignes d’être collectionnés, mais ceux qui le sont, sont de qualité. Quatre Strats avec les meilleurs millésimes, mais ça s’arrête là, pas de modèle de couleur rare ou un modèle de chaque type, pas la caverne d’Ali Baba, sauf pour ces quelques exceptions. Et sinon, j’ai un peu de tout, une quarantaine de Strats, avec quelques pièces maîtresses, des guitares excellentes, un peu rares, assez prisées, mais pas une vaste collection faite uniquement de modèles très rares. J’en ai par contre une dédicacée par Marvin et une autre par Paul McCartney !

-         Parmi les quelques légendes du rock qui jouent sur une Strat ’54, tu fais figure de petit jeune…

-         Je ne suis plus si jeune, mais la nouvelle génération n’a plus la possibilité de trouver ces instruments, qui sont plus que rares, à moins de renoncer à s’acheter une maison, et d’investir, si l’occasion se présente, dans ce type de Strat à la place ! Mark Knopfler en a une… Clapton aussi, et il en avait aussi offert une autre à George Harrison… Les quelques autres qui restent sont dans des musées maintenant. A Londres, Christie’s en a proposé une aux enchères l’année dernière. A un prix terrifiant. C’est affolant quand on y pense ! J’en ai cherché une pendant 24 ans très exactement, chez les plus grands spécialistes, en Europe et aux Etats-Unis ! Finalement, la mienne m’attendait sagement à Tokyo… Elle m’est arrivée il y a deux mois. Un rêve ! C’était un truc un peu fou, mais on n’en voit presque jamais à vendre de toutes façons, alors…

-         Oui, les quelques Strats ’54 qui se sont vendues depuis deux ans sont parties à plus de 180 000 $ !! Il y a de quoi être affolé !!

-         Ca dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer. Un des quelques modèles « custom color » de 1954 (il y en a eu 3 ou peut-être 4) s’est même vendu dans la boutique de collection de Tokyo où j’ai acquis Miss Daisy, pour 250 000 $ il y a quatre mois… A David Gilmour m’a-t-on dit. Je crois qu’au tournant du siècle et à l’occasion des 50 ans de cette guitare, certains ont réalisé que c’était peut-être la toute dernière limite pour sauvegarder les quelques exemplaires qui restaient… C’est ce que je fais moi aussi, mais je l’ai surtout achetée parce que c’est un instrument exceptionnel. Un bonheur ! Le Stradivarius de la guitare électrique…

-         Toi qui a écrit un livre à ce sujet, explique nous comment il se fait que ces guitares aient atteint de tels prix et qu’elles fassent tant rêver ?

-         Leur réputation (justifiée d’ailleurs !) avant tout, car elles sont considérées comme les meilleures Stratocasters jamais produites, et leur rareté bien sûr. Fender a fabriqué 268 Strats en 1954 (dont il ne doit guère rester plus de la moitié en condition originale – ce qui fait peu comparé aux millions de Strats produites depuis) et environ 500 en 55. Petit à petit, la production a beaucoup accéléré, quand le succès est venu, vers 1957/58. Puis, quand la marque a été vendue à CBS, en 65, les quantités ont explosé, mais la qualité a baissé. Vers la fin des années 60, beaucoup de guitaristes, comme Clapton, sont revenus aux modèles des 50’s et du début des 60’s, et leur réputation de meilleurs instruments que ceux de la production de l’époque s’est définitivement installée. Puis, les collectionneurs sont arrivés, et les japonais, particulièrement, ont acheté tout ce qu’ils trouvaient, vidant les stocks des revendeurs de tout ce qui était intéressant. Et ces guitares n’ont plus bougé de chez eux jusque dans les années 90. A la mort de Leo Fender la côte a encore monté, puis pour le cinquantenaire de la Strat, il y a trois ans, elle s’est littéralement envolée... C’est une histoire de qualité de guitare, c’est certain, mais c’est aussi lié à la tendance à la collection d’un objet qui est devenu un symbole du siècle, une icône du design et de la musique.

-         Et côté amplis et effets, quels sont tes goûts ?

-         Un peu vintage aussi, je le crains ! Un Vox AC30 de 1963 et des Fender Bassman et Blues Deluxe. J’ai un Quad Mesa Boogie aussi, mais je ne m’en suis pas servi depuis 7 ou 8 ans je crois. J’utilise peu d’effets. Un overdrive, de la reverb, un delay… Une pédale de volume parfois, dite d’expression dans la façon dont je l’utilise.

-         Comment enregistres-tu tes solos ? Sont-ils définis à l’avance ?

-         Ca dépend. Pour parler des Guitar Connection, si je fais une reprise dont le solo est incontournable, et que je décide de garder le même, comme pour le célèbre duo de guitares d’ « Hôtel California », ça ne laisse évidemment pas de place à l’improvisation. Le solo de « Onwer of a Lonely Heart » fut par contre improvisé, comme ceux de « My Sharona », « Money for Nothing », « Smoke on the Water » ou « NZ Girl Blues » par exemple. Pour celui-là, qui dure 5 minutes je crois, on a fait deux prises et on a gardé le meilleur en mélangeant les deux. Parfois, je parcours un moment le morceau en studio avant de me lancer, comme pour mon titre « Wooden Leg Stomp ». Ca dépend de la forme du jour ! « While My Guitar Gently Weeps » a été complètement fait en une prise, mélodie et solos, sans que je n’aie jamais joué le morceau auparavant. Et la spontanéité a marché. « Pulp Fiction » aussi, je ne l’avais absolument jamais joué, la première fois est celle qui est sur le disque, mais c’est un titre assez basique… Le solo country-jazz de « Mini Skirt » fut relativement préparé par contre. Pas note à note, mais j’avais survolé des plans avant d’enregistrer.

-         A quand Guitar Connection 3 ?

-         Je commence doucement à travailler dessus… Pour l’été 2008 je pense. Au départ, Sony le voulait pour cet été, mais le marché du disque est au ralenti, et ça m’arrange de ce point de vue, car ça m’évite de me précipiter. Je prends un peu mon temps, je n’ai pas envie de me répéter ou de le banaliser. Il y aura des surprises je pense !

-         Quel type de répertoire penses-tu enregistrer ?

-         Rock et sans doute vocal, comme on le voit dans le trailer qui figure sur le dvd 2. Mais je ne suis pas encore totalement fixé…

-         Parmi les artistes français de la mouvance actuelle, de qui te sens-tu proche ?

-         C’est difficile à dire… J’ai l’impression d’être un peu en dehors de tout ça. J’aime bien M, parce qu’il est très créatif, très talentueux, et qu’en plus, il réussi un exploit dont je suis bien incapable : marcher fort mais sans faire de concession, apparemment en tous cas…Moi je dois en faire tout le temps ! On ne se connaît pas, je n’ai aucune idée de ce qu’il pense des Guitar Connection, mais on a en tous cas un modèle de guitare en commun : une Strat Série L de 1964… On partage au moins ce goût-là !

-         Comment réagis-tu aux nombreux articles, blogs et autres commentaires à ton sujet ?

-         Très bien ! Ca me fait un grand plaisir, vraiment. Quand il y a parfois des gens qui critiquent, c’est intéressant de voir pourquoi, sauf quand ça sombre dans la mauvaise foi, mais c’est rare. Je suis surtout touché par les milliers d’emails que j’ai reçus, et qui sont parfois très émouvant quand on comprend le plaisir qu’on apporte aux gens.

Il y a un public très varié, c’est surprenant. J’essaie de répondre à tous les mails que je reçois. Les blogs sont très mignons aussi ! Soit ils sont remplis de Strats, soit il y a des petits cœurs partout ! Ca fait sourire ma fiancée !

-         Guitar Connection est une référence, et va incontestablement marquer une génération, qui aura débuté ou avancé dans la pratique de l’instrument grâce à tes cd/dvd. Tu avais ça à l’esprit en faisant ces disques ?

-         Pas vraiment ! Je pensais juste filer un coup de main, partager quelques astuces. Je ne pensais pas que la partie pédagogique aurait un tel impact. J’ai lu une fois dans un article qu’il y aurait fatalement un jour une star qui me remercierait en disant qu’elle a débuté grâce à ces disques ! Ca m’a fait rire ! C’est peut-être vrai, l’avenir le dira ! En tous cas, ça a donné envie à certains, et j’en suis ravi. Il y aura une suite à tout ça, sans aucun doute. Mais je continue aussi à travailler à d’autres choses.

-         La littérature, c’est une nouvelle voie que tu souhaites suivre ou c’est un hobby ?

-         Ni l’un ni l’autre. J’adore ça, mais je ne suis pas romancier. Ecrire une biographie, un recueil de citations ou un livre sur les guitares, c’est davantage être documentaliste, avec en plus une capacité de raconter les histoires. Mais ça ne fait pas de toi Victor Hugo… Ecrire sur Sacha Guitry a été un bonheur, parce que j’ai vécu une partie de l’année avec l’univers de cet homme si brillant et si créatif. Je l’adore depuis longtemps, et je collectionne des documents de lui et sur lui. Ce livre a été une belle récréation, studieuse, mais délassante. Je ferai j’espère d’autres livres dans ma vie, mais je n’ai aucune idée de quoi ils parleront !

-         Les critiques sur celui-ci sont très bonnes en tous cas…

-         Oui, c’est vrai, et ça me fait un grand plaisir. Et ça me touche de voir autant de gens sensibles à l’esprit et au talent de Guitry.

-         Voilà déjà 25 années de travail variées et bien remplies !

-         En fait, je vois tout cela comme un unique et même métier. C’est juste le support qui change, mais je ne fais que créer des moments de détente et de plaisir. Que ce soit sur papier, en musique ou en images, le principe reste le même…

-         Comment vois-tu les 25 ans à venir ?

-         Ooh là ! Vraiment, aucune idée !! J’avance au jour le jour, et ça n’est pas nouveau. Je n’ai absolument pas de plan de carrière. Je suis l’inspiration du moment, et je compose aussi avec les possibilités que la profession nous offre. J’espère continuer à faire quelques albums comme guitariste, mais peut-être seront-ils plus discrets, moins médiatisés, parce que moins grand public… On verra. J’espère aussi continuer de produire, et pas seulement de la musique, mais des vidéos, des humoristes, et d’autres choses encore, comme des livres. Dans 25 ans, je ne serai pas à la retraite en tous cas !

Propos recueillis pour Guitar Blog par Laurent Carrières

Le site officiel : www.jeanpierredanel.com

Guitar Connection 1 & 2 Sony/Bmg Music

Le Destin fabuleux de Sacha Guitry (Le Marque-Pages Ed)

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(photo disque de diamant Disque_multi_diamant_25_Ann_es_de_musique« 25 Ans » : Didier Jarlan)

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Jean-Pierre Danel 25 Ans de Carrière
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